Question de mémoire, Episode 1

On imagine souvent la mémoire comme un simple réservoir de souvenirs. Il y a pourtant différents types de mémoire ! Par exemple, Jean Delay (scientifique et philosophe du 20ème siècle) propose de distinguer

  • La mémoire sensori-motrice, purement mécanique et régie par l’habitude (mémoire habitude + mémoire mécanique comme conduire une voiture)
  • La mémoire autistique (rien à voir avec l’autisme comme pathologie) qui fonctionne sur le mode affectif dans un rapport à moi-même.
  • La mémoire sociale ou mémoire collective qui s’inscrit toujours dans un environnement et un contexte social qui la détermine (qu’elle soit d’ailleurs individuelle ou appartenant à un groupe)

La mémoire accomplie inclut ces trois aspects.

La mémoire entretient également un rapport particulier à la connaissance comme réminiscence selon Platon (Ménon) :

« Or comme l’âme est immortelle et qu’elle renaît plusieurs fois, qu’elle a vu à la fois les choses d’ici et celles de l’Hadès [le monde de l’Invisible], c’est-à­-dire toutes les réalités, il n’y a rien qu’elle n’ait appris. En sorte qu’il n’est pas étonnant qu’elle soit capable, à propos de la vertu comme à propos d’autres choses, de se remémorer ces choses dont elle avait justement, du moins dans un temps antérieur, la connaissance. En effet, toutes les parties de la nature étant apparentées, et l’âme ayant tout appris, rien n’empêche donc qu’en se remémorant une seule chose, ce que les hommes appellent précisément « apprendre », on ne redécouvre toutes les autres, à condition d’être courageux et de chercher sans craindre la fatigue. Ainsi, le fait de chercher et le fait d’apprendre sont, au total, une réminiscence. »

Quant à l’oubli, ne peut-on pas le penser comme un mode de la mémoire tant sur un plan individuel (déni ou refoulement) que collectif dans le domaine de l’Histoire ou du politique (déni, devoir de mémoire) ? Ces aspects soulèvent aussi la question de la culpabilité, sentiment pouvant déterminer la mémoire…

Dès lors la mémoire pourrait être envisagée comme faculté d’oublier et de se ressouvenir. La finalité serait de replacer le passé à sa juste place pour se permettre d’avancer, ce qui détermine aussi notre identité (tant pour l’individu que pour la société).

On comprend qu’elle a à voir avec le temps… Sans mémoire nous ne pourrions pas nous situer dans le temps, nous ne pourrions pas écouter un morceau de musique, nous ne pourrions pas forger notre identité !

La mémoire est peut-être la condition de possibilité de toutes les autres facultés. Elle est une activité de la conscience et peut-être la conscience elle-même ?

A suivre !…