Apéro Philo – Larchant – dimanche 19 octobre 2014

QUE SUIS-JE ? QUI SUIS-JE ?

armelle renaud 3

Tableau de Armelle Renaud (photo Janine Mignot)

Lorsque j’ai proposé ces questions à mes élèves en leur demandant s’ils voyaient une différence entre les deux, la réponse spontanée fut celle-ci :

L’élève : « Ben oui Madame ! »

Moi : « Bien ! laquelle ? »

L’élève : « Ben il y a une voyelle qui change ! »

Moi : « En effet, entre les deux une voyelle a changé, c’est bien observé ! Mais qu’en est-il du sens ? »

Les élèves : « ? »

C’est ainsi que ça a commencé !

Alors je suis allée chercher ces petites phrases que l’on aime bien !

Je suis un être auteur de ses actes et de ses pensées, en ce sens je suis un être libre !

« L’homme est condamné à être libre » Jean-Paul Sartre

Mais d’abord je suis un être qui a conscience de lui-même

« Je pense donc je suis » Descartes

Et surtout ces textes qui nous aident à penser….

Extraits

« … il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues jusqu’alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » Descartes, 1ère Méditation.

« … et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : je pense, j’existe, est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit. » Descartes, 2nd Méditation.

« L’esprit est une sorte de théâtre, où des perceptions diverses font successivement leur entrée, passent, repassent, s’esquivent et se mêlent en une variété infinie de positions et de situations. Il n’y a pas en lui à proprement parler de simplicité à un moment donné, ni d’identité à différents moments. » Hume, Traité de la nature humaine.

« Il est des philosophes qui imaginent que nous sommes à chaque instant intimement conscients de ce que nous appelons notre moi, que nous en sentons l’existence et la continuité d’existence, et que nous sommes certains, avec une évidence qui dépasse celle d’une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La sensation la plus forte, la passion la plus violente, disent-ils, loin de nous détourner de cette vue, ne la fixent que plus intensément et nous font considérer, par la douleur ou le plaisir qui les accompagne, l’influence qu’elles exercent sur le moi. Tenter d’en trouver une preuve supplémentaire serait en atténuer l’évidence, puisqu’on ne peut tirer aucune preuve d’un fait dont nous sommes si intimement conscients, et que nous ne pouvons être sûrs de rien si nous en doutons […].

Pour moi, quand je pénètre plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d’autre que la perception. Quand mes perceptions sont absentes pour quelques temps, quand je dors profondément, par exemple, je suis, pendant tout ce temps, sans conscience de moi-même et on peut dire à juste titre que je n’existe pas. »

David Hume, Traité de la nature humaine, Livre I.

« Dans le sommeil je suis tout ; mais je n’en sais rien. La conscience suppose réflexion et division. La conscience n’est pas immédiate. Je pense, et puis je pense que je pense, par quoi je distingue Sujet et Objet, Moi et le monde. Moi et ma sensation. Moi et mon sentiment. Moi et mon idée. C’est bien le pouvoir de douter qui est la vie du moi. Par ce mouvement, tous les instants tombent au passé. Si l’on se retrouvait tout entier c’est alors qu’on ne se reconnaîtrait pas. Le passé est insuffisant, dépassé. Je ne suis plus cet enfant, cet ignorant, ce naïf. A ce moment-là j’étais autre chose en espérance, en avenir. La conscience de soi est la conscience d’un devenir et d’une formation de soi irréversible, irréparable. Ce que je voulais je le suis devenu. Voilà le lien entre le passé et le présent, pour le mal comme pour le bien.

Ainsi le moi est un refus d’être moi, qui en même temps conserve les moments dépassés. Se souvenir, c’est sauver ses souvenirs, c’est se témoigner qu’on les a dépassés. C’est les juger. Le passé, ce sont des expériences que je ne ferai plus. Un artiste reconnaît dans ses œuvres qu’il ne s’était pas encore trouvé lui-même, qu’il ne s’était pas encore délivré ; mais il y retrouve aussi un pressentiment de ce qui a suivi. C’est cet élan qui ordonne les souvenirs selon le temps. »

Alain, Manuscrits inédits.

« Car nous voulons dire que l’homme existe d’abord, c’est-à-dire que l’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d’être une mousse, un pourriture ou un chou-fleur ; rien n’existe préalablement à ce projet ; rien n’est au ciel intelligible, et l’homme sera d’abord ce qu’il aura projeté d’être.

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme.

Petite bibliographie

Clément Rosset, Loin de moi, étude sur l’identité, Editions de minuit