Étiquette : Laurence Manesse Cesarini
2024
L’imagination épisode 1 – septembre 2023
La mémoire et le temps…
Être femme et faire face – 12 mars 2023 – Cinéma de Fontainebleau
Question de mémoire, Episode 1
On imagine souvent la mémoire comme un simple réservoir de souvenirs. Il y a pourtant différents types de mémoire ! Par exemple, Jean Delay (scientifique et philosophe du 20ème siècle) propose de distinguer
- La mémoire sensori-motrice, purement mécanique et régie par l’habitude (mémoire habitude + mémoire mécanique comme conduire une voiture)
- La mémoire autistique (rien à voir avec l’autisme comme pathologie) qui fonctionne sur le mode affectif dans un rapport à moi-même.
- La mémoire sociale ou mémoire collective qui s’inscrit toujours dans un environnement et un contexte social qui la détermine (qu’elle soit d’ailleurs individuelle ou appartenant à un groupe)
La mémoire accomplie inclut ces trois aspects.
La mémoire entretient également un rapport particulier à la connaissance comme réminiscence selon Platon (Ménon) :
« Or comme l’âme est immortelle et qu’elle renaît plusieurs fois, qu’elle a vu à la fois les choses d’ici et celles de l’Hadès [le monde de l’Invisible], c’est-à-dire toutes les réalités, il n’y a rien qu’elle n’ait appris. En sorte qu’il n’est pas étonnant qu’elle soit capable, à propos de la vertu comme à propos d’autres choses, de se remémorer ces choses dont elle avait justement, du moins dans un temps antérieur, la connaissance. En effet, toutes les parties de la nature étant apparentées, et l’âme ayant tout appris, rien n’empêche donc qu’en se remémorant une seule chose, ce que les hommes appellent précisément « apprendre », on ne redécouvre toutes les autres, à condition d’être courageux et de chercher sans craindre la fatigue. Ainsi, le fait de chercher et le fait d’apprendre sont, au total, une réminiscence. »
Quant à l’oubli, ne peut-on pas le penser comme un mode de la mémoire tant sur un plan individuel (déni ou refoulement) que collectif dans le domaine de l’Histoire ou du politique (déni, devoir de mémoire) ? Ces aspects soulèvent aussi la question de la culpabilité, sentiment pouvant déterminer la mémoire…
Dès lors la mémoire pourrait être envisagée comme faculté d’oublier et de se ressouvenir. La finalité serait de replacer le passé à sa juste place pour se permettre d’avancer, ce qui détermine aussi notre identité (tant pour l’individu que pour la société).
On comprend qu’elle a à voir avec le temps… Sans mémoire nous ne pourrions pas nous situer dans le temps, nous ne pourrions pas écouter un morceau de musique, nous ne pourrions pas forger notre identité !
La mémoire est peut-être la condition de possibilité de toutes les autres facultés. Elle est une activité de la conscience et peut-être la conscience elle-même ?
A suivre !…
Les rendez-vous à venir en 2023
Apéro Philo Larchant le 15 février à 11h – Du désir, de l’amour et de l’amitié – 1
DESIR, AMOUR et AMITIE
Photographie Janine Mignot
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avec Laurence Manesse Cesarini (essayiste, professeure de philosophie) pour la philo et Janine Mignot (photographe) pour les photos !
Philosopher dans nos villages… pour s’ouvrir, s’étonner, grandir !
Vous avez dit désir ? mais encore… Il y a désir et désir… désir de l’autre… désir de gloire… désir de reconnaissance… désir de liberté… s’agit-il toujours de la même chose ?
Platon (427-347 av. J.-C.) propose une critique radicale du désir qu’il appelle « désir appétit » quand Epicure (342-270 av. J.-C.) nous donne la recette du bonheur en hiérarchisant les désirs. Il faudra renoncer aux désirs vains pour se donner les moyens d’être heureux :
« Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que parmi les premiers il y en a qui sont nécessaires et d’autres qui sont seulement naturels. Parmi les nécessaires, il y en a qui le sont pour le bonheur, d’autres pour la tranquillité continue du corps, d’autres enfin pour la vie même. Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l’âme puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car tous nos actes visent à écarter de nous la souffrance et la peur. Lorsqu’une fois nous y sommes parvenus, la tempête de l’âme s’apaise, l’être vivant n’ayant plus besoin de s’acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni de chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l’âme et celui du corps. (…) Et c’est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie. » Epicure, Lettre à Ménécée
Spinoza (1632-1677) va plus loin puisqu’il affirme que le désir est essence même de l’homme.
« Chaque chose, autant qu’il (il = le conatus = effort d’une chose pour persévérer dans son être) est en elle, s’efforce de persévérer dans son être. (…)
Cet effort, quand il se rapporte à l’âme seule, est appelé volonté, mais, quand il se rapporte à la fois à l’âme et au corps est appelé appétit ; l’appétit n’est par là rien d’autre que l’essence même de l’homme, de la nature de laquelle suis nécessairement ce qui sert à sa conservation ; et l’homme est ainsi déterminé à le faire. De plus, il n’y a nulle différence entre l’appétit et le désir, sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes, en tant qu’ils ont conscience de leurs appétits, et peut, pour cette raison se définir ainsi : le désir est l’appétit avec conscience de lui-même.
Il est donc établi par tout cela que nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n’appétons ni ne désirons aucune chose, parce que nous la jugeons bonne ; mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons. » Spinoza, Ethique
Et pour Rousseau (1712-1778) celui qui ne désire plus ne peut pas être heureux !
« Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide (mû par le désir) et borné (têtu et d’intelligence limitée), fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même (Dieu) il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.
Si cet effet n’a pas toujours lieu sur les objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes. Vivre dans peine n’est pas un état d’homme ; vivre ainsi c’est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable. » Rousseau, La Nouvelle Héloïse
Marx enfin (1818-1882) nous explique que nous désirons parce que nous nous comparons aux autres.
« Qu’une maison soit grande ou petite, tant que les maisons d’alentour ont la même taille, elle satisfait à tout ce que, socialement, on demande à un lieu d’habitation. Mais qu’un palais vienne s’élever à côté d’elle, et voilà que la petite maison se recroqueville pour n’être plus qu’une hutte. (…) nos besoins et nos jouissances ont leur source dans la société ; la mesure s’en trouve donc dans la société, et non dans les objets de leur satisfaction. Etat d’origine sociale, nos besoins (besoins sociaux = désirs) sont relatifs par nature. » Marx, Travail salarié et capital, 1849
Qu’allons nous faire de tout ça ? Nous en avons parlé ensemble….
Voici l’apéro philo en images !
Salle Chatenoy – Larchant
Pendant et après les festivités… une ambiance toujours agréable et chaleureuse ! l’important restant de parvenir à philosopher.. mais ensemble !